Footeux sans les yeux

Leurs repères, ce sont le ballon à grelots, l’acoustique du terrain, le bruit des crampons et les « voy, voy »* de leurs équipiers ou adversaires qui doivent sans cesse « se signaler« . Les joueurs de cécifoot doivent convoquer tous leurs sens pour marquer un but : le toucher, l’odorat, la sensation des masses et surtout, l’audition.

Réaliser ce documentaire en son 3D s’est donc imposé comme une évidence : « Le cécifoot est un exercice d’orientation dans l’espace et de concentration sur l’environnement sonore, explique Charlotte Roux, chargée de réalisation. Comment aurait-on pu le traiter autrement ? » Ce documentaire intitulé Cécifoot, le sens du jeu a été produit par France Culture, pour l’émission Sur les Docks. Mais il peut s’écouter ici aussi en versions 5.1 et binaurale, qui permettent une immersion totale dans le jeu de ces footeux pas tout à fait comme les autres.

Claquements de doigts

« On a voulu placer l’auditeur dans la peau de ces joueurs aveugles ou mal-voyants, tous munis d’un bandeau pour être à parfait égalité, raconte Charlotte Roux. Ils sont impressionnants à voir. Ils commencent par prendre connaissance avec le terrain, en faisant claquer leurs doigts, pour faire résonner les bords, les murs. Et pendant le match, ils analysent en permanence à l’oreille leur environnement qui n’arrête pas de bouger. Alors que ça va à toute vitesse, ils savent exactement où sont les autres, où est le ballon, où sont les cages. D’ailleurs, le public doit être absolument silencieux, pour ne pas brouiller leurs repères… »

Trois plans sonores

Pour appréhender le plus finement possible cet univers, ce documentaire a donc été construit sur trois plans sonores : des interviews des joueurs enregistrées en stéréo, une voix témoin, voix intérieure, celle d’Hakim Arezki (nommé meilleur buteur de la Coupe de France de cécifoot 2016), enregistrée en binaural et les scènes de match ou d’entraînement captées en son multicanal. Ces dernières prises de son ont d’ailleurs été très délicates pour le technicien Pierric Charles : « Tout élément qui n’est pas sonore sur le terrain est dangereux. Ne pas « se signaler » pour un joueur est une faute d’ailleurs, rappelle Charlotte Roux. Ca a donc été sportif pour Pierric ! »  Qui a certainement dû faire quelques jeux de jambes et pousser des « voy, voy, voy » pour éviter les collisions !

* Le « voy » que lancent les joueurs en permanence signifie « Je viens » en espagnol. C’est en Espagne qu’est née cette discipline devenue paralympique en 2004.